Vous êtes sorties dans l’encre noire, avant que la nuit ne termine sa phrase et vous découvrez ensemble ce qui se tenait autour de vous, dans le sommeil. Il est tôt. Vous avancez dans l’étendue vierge de trace, bête contre bête. Tu te laisses porter par elle et tu t’abandonnes à ses mouvements. Tu te saisis de tout ce qui t’entoure. Ce matin, tu te dis que la neige resserre le monde sur les sons, que les surfaces parlent par-delà leurs formes et leurs couleurs. Attentive au moindre bruissement, tu te dis que le paysage à un nouvel horizon. Tu te perds dans ses contours. Les arbres craquent en hauteur sous le poids des oiseaux. La neige qui commence à fondre laisse entendre de légers crissements. Le monde se recompose à partir de menus éclats. Au-dessous de toi, quatre sabots percent l’épais manteau blanc pour trouver le sentier. Parfois, l’un d’entre eux se heurte à une veine de pierre. Le bruit mat que cela fait avant les crissements du gravier. Tout te fait signe par les oreilles et tu n’es pas la seule. Tu fixes celles de la jument. Les siennes aussi sont en alerte. Elles bougent et réagissent au moindre mouvement. Tu te dis que c’est votre conversation, que la bête te parle, t’indique vers quoi te tourner. Tu blottis tes doigts sous ses crins, dans l’ombre chaude de son encolure. Les coups répétés d’un pic-vert résonnent au loin. L’absence de vent te laisse entendre le souffle de celle qui marche pour vous. Tu écoutes, bercée par le léger balancier de l’animal qui déplace tes épaules vers la gauche, vers la droite. Désormais tu ignores tout du temps. Tu n’es que sons et mouvements. Malgré les balades répétées, tu t’étonnes encore de ce que la bête fait pour toi. Te porter sur son dos. Accepter la jointure de vos corps. Tu pourrais croire à un miracle.






