Le ciel vient de fendre et le silence de ta marche est emporté sous l’averse. Tu n’entends plus que le roulement métallique de la pluie qui vient frapper les cailloux : une cascade de riz qui s’abat sur toi. Désormais, le paysage est gris et flou, strié par la chute du ciel ; tu n’as pas le temps pour un demi-tour. Le refuge, tu dois le trouver là, presque à même ta peau. Dans les herbes hautes, tu cherches le bord de la prairie, la haie que tu savais près de toi tout au long de la marche. Mais l’horizon a disparu. Tu sais que tu ne peux pas rester immobile ; l’eau pourrait t’emporter vers le bas de la colline, tu dévies sur ta gauche à grandes enjambées, le regard au bout des orteils, tu avances. Tes chaussures prennent l’eau. Le ciel ne se calme pas : le riz te griffe les joues. Tu cours. Tu cours vers l’ombre que tu penses voir un peu plus loin. Tu cours mais tu avances au ralenti. Le ciel te freine. Tu rejoins un abri de feuillages. Un toit percé. Tu dois t’y blottir en attendant la fin de la pluie. Les montagnes ont été avalées par le ciel. Tu ne vois plus rien du lointain, il ne reste que l’herbe sous tes pieds et les feuilles du noisetier battues par l’averse. Tu fixes le feuillage. Tu n’échappes pas à quelques gouttes, elles glissent le long de tes oreilles, dans l’encolure de ta veste jusque sous ton manteau ; elles sont froides malgré la chaleur de la journée. Tu patientes les bras ballants, il n’y a rien à faire. Tout est gris. Tu ne sais pas dire combien de temps s’écoule dans cette absence de paysage. Quelque chose bouge. Le bruit tombe. Le ciel se fatigue, crache un silence que tu crois complet. Cela ne dure qu’un instant. Dans ton dos, l’épaisseur de plusieurs souffles, presque une chaleur. Ça respire à l’arrière. Tu te retournes et tu les vois : hirsutes mais tranquilles, vaches et veaux rassemblés sous le noisetier. Tu ne sais pas dire combien. Les têtes disparaissent entre les corps. Tu regardes l’eau ruisseler sur les poils, dessiner des méandres jusque sur les flancs. Agglutinées, elles ne forment qu’un seul corps dont s’échappe une légère vapeur. La succession de leur dos ouvre un paysage de vallées. Tu pourrais t’y blottir des heures.







