L’homme est là, il cherche à tenir intacte le souffle de ses plantes. Il lutte. Comme on le fait à l’automne, sous un ciel de traîne. La matière lui échappe. Tout n’a de cesse de descendre. La matière chute, c’est la saison et l’homme ne peut rien. Inlassablement, les brumes, les roches, les feuilles, le vent, tout se disperse en limailles. La tortue qui venait boire dans le bassin sous la serre a perdu sa carapace. Nul ne sait si une nouvelle viendra pousser comme un ongle dans l’empreinte de la dernière. Sur la paillasse, les assiettes d’argile se couvrent de pétales racornis. Le tuyau est à sec. Il faudra attendre, fixer l’horizon et laisser s’étirer la rivière.

La rivière s’arrachera à elle-même. C’est inévitable. Elle tombera dans un souffle immense et froid. Les racines, les schistes, les quartz et les pierres de lave, tout sera emporté; les vestiges de l’été avalés. L’homme regardera la rivière se déchirer au-dehors et couvrira les plantes de son bras. Il veillera, de toutes ses forces, à ne flétrir aucun de ses trésors.
 

Mais le vent,
Mais la rivière fendue,
Mais l’éboulis des quartz,
Mais la saison.
 

La tortue, à l’abri entre la roche noire et les ombres du yucca, regarde. Elle regarde l’homme qui voudrait tenir tout un monde sous son bras. Elle voit sa nuque qui se contorsionne au-dessus des bruyères et des gardénias. Elle voit les phalanges percées qui ne rassemblent plus rien. Par bribes, elle devine. Des courants d’air l’effleurent, des reflets d’ambre se condensent sur les parois de la serre, du ciel descendent des odeurs de muscs. Elle oublie l’homme. Elle oublie la paillasse, les pots, la couleur terne des plastiques. Elle oublie la terre gonflée de bulbes et de racines. Elle est traversée par une image. Elle voit une grande tâche rouille cernée d’écume. Alors, elle murmure. Elle dit qu’un autre monde arrive. Qu’il descend vers nous.